Le défi de la Paix

Conférence de presse 21 janvier 2013.

Justice et Paix France. Denis Viénot, secrétaire général



L’absence de perspectives pour les cinq millions de réfugiés palestiniens, l’annexion de Jérusalem-Est ainsi que l’occupation du Golan syrien, de la Cisjordanie, la situation à Gaza, sont depuis longtemps des facteurs d’instabilité pour tout le Proche- Orient. La Jordanie et le Liban ont été profondément déstabilisés dans le passé par la présence des réfugiés palestiniens.

Historiquement, de nombreux régimes dictatoriaux et mouvements fondamentalistes islamistes ont cherché à instrumentaliser la lutte palestinienne pour servir leurs propres intérêts. Début 2001, à Bagdad, je voyais ainsi à la télévision une manifestation de plusieurs milliers d’enfants des écoles armés de fusils de bois ; ils défilaient en promettant avec multiples slogans, banderoles et chants martiaux, d’aller se battre pour libérer la Palestine sous la direction du président Saddam Hussein.

Aujourd’hui, le Proche-Orient est traversé par des bouleversements qui conduisent à une reconfiguration générale de la région : révolutions arabes porteuses d’espoir, mais aussi d’incertitudes, changement de régime en Égypte, aspirations démocratiques réprimées dans la violence en Iran et en Syrie, prosélytisme salafiste, activisme iranien, tensions entre sunnites et chiites… Les équilibres sont fortement remis en question.

La guerre civile en Syrie est de plus en plus confessionnelle avec ses tensions entre Sunnites et Alaouites, entre Sunnites et Chiites, plus les minorités Chrétiennes et Kurdes.

Il est frappant de constater que le conflit israélo-palestinien est peu évoqué pour le moment dans l’analyse des révolutions arabes, mais on sait qu’il est toujours présent dans les esprits et les stratégies.



Dans ce contexte, la surenchère en matière d’armement conventionnel et nucléaire est un facteur d’exacerbation des conflits. À cet égard, les hésitations des États à réguler le commerce mondial des armes classiques sont inquiétantes.

Le classement des exportateurs d’armes est instructif. Au cours des cinq dernières années, les Etats-Unis restent leaders, avec 44% de part de marché (66 milliards de dollars de ventes à l’export en 2011), devant la Russie (14%) et le Royaume-Uni (11%). La France, quatrième (8,5%), fait désormais face à la concurrence d’Israël qui n’a cessé de prendre des parts de marché depuis 2005. Les exportations israéliennes ont augmenté de 20% en 2012.

En état de guerre permanent, Israël s’est toujours servi des opérations pour développer son industrie de défense. La récente attaque de Gaza a été l’occasion de déployer un nouveau système antimissile qui intéresse la Corée du Sud. Les drones sont une spécialité israélienne depuis les années 1970. (Challenges, 3 décembre 2012).



En matière d’armement nucléaire, on se focalise sur l’Iran mais on fait semblant d’oublier qu’il est d’abord menacé par la bombe israélienne – qui n’existe pas officiellement - et qu’ainsi l’Iran veut devenir capable de dissuasion nucléaire, ce qui est, dit-on, inadmissible de sa part mais légitime pour d’autres.

L’écho a été faible concernant l’appel lancé par la Conférence d’examen du traité de Non-prolifération, le 28 mai 2010, en faveur d’une zone sans armes de destruction massive au Moyen-Orient. La déclaration finale est importante parce qu’elle lie, dans un même plan d’actions, des projets qui concernent les trois domaines couverts par le TNP: le désarmement, la non-prolifération et l’usage pacifique de l’énergie nucléaire.

Au terme de la conférence, un accord a été conclu pour la tenue prochaine d’une réunion des États du Moyen-Orient en vue d’y instaurer une zone « libre d’armes nucléaires et de toute autre arme de destruction massive ». Israël, aussitôt cette annonce faite, a indiqué que, pour sa part, l’invitation à se joindre à de telles négociations serait déclinée.1



La situation des réfugiés palestiniens est une autre source de tensions dans de nombreux pays de la région, aussi déstabilisés par les migrations d’Irak, d’Afghanistan et de Syrie aujourd’hui.

Un responsable d’Amnesty International écrivait de façon un peu provocatrice il y a quelques années2 :

« Selon le principe du partage international de la charge et des responsabilités, qui reconnaît que «l’offre d’asile peut être un fardeau particulièrement lourd pour certains pays», la communauté internationale devrait mieux encourager et offrir une meilleure assistance au Liban afin que sa population de réfugiés y exerce au mieux ses droits humains. Considérant que le retour reste le meilleur moyen d’améliorer la situation des réfugiés palestiniens, les Etats concernés et la communauté internationale devrait faire de sérieux efforts pour s’assurer que le droit au retour puisse être exercé de manière pratique et effective par ceux-ci. »



Autre sujet d’incertitudes pour l’avenir, la question de la création d’un Etat palestinien à part entière suite au vote de l’assemblée générale des Nations Unies du 29 novembre 2012 qui a promu la Palestine au rang d’Etat observateur non membre des Nations unies. Cette reconnaissance vient encore d’être abordée par Benoît XVI dans son discours au Corps diplomatique du 7 janvier 2013  où il souhaitait qu’« Israéliens et Palestiniens s’engagent pour une cohabitation pacifique dans le cadre de deux États souverains, où le respect de la justice et des aspirations légitimes des deux peuples sera préservé et garanti ».

aussi le pessimisme est de rigueur puisqu’il y a peu de chances que les élections israéliennes de demain changent le cours des choses. Les Etats de la région soutiendront-ils les Palestiniens ? Il faudrait que l’Autorité palestinienne face preuve d’audace pour pousser Israël vers de nouvelles négociations. La communauté internationale sera – t-elle cohérente avec les orientations des Nations unies, elle qui ne pousse de fait pas au respect par Israël des résolutions et des décisions internationales ?

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1 http://docs.jean-jaures.net/NL400/02-gautier.pdf

Dissuasion et désarmement nucléaire : la France dans un corner. Louis GAUTIER



2 Sherif Elsayed-Ali est responsable pour les réfugiés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord au Secrétariat international d’Amnesty International.